Mon titre n’est pas très accrocheur, mais vous allez vite comprendre où je veux en venir. Dans notre société, l’une des façons de penser les plus courantes est la suivante:
« Ça n’arrive qu’aux autres »
« Il y a moins de chance que cela m’arrive à moi plutôt qu’à un tiers »
« Il n’y a aucune raison pour que ça m’arrive à moi… »
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Une histoire de destinée ou la croyance dans le principe erroné qu’il faut le « mériter » pour qu’une chose grave nous arrive… vous me suivez?
Mais tout cela n’est qu’un leurre…
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Voici une histoire…
.. qui est malheureusement vraie. Ces personnes ne sont pas mes proches, juste des voisins de mes beaux-parents. C’est la femme qui a confié son histoire à ma belle-mère.
Son mari est un bon vivant. Il aime faire la fête avec ses amis assez souvent… dès que l’occasion se présente en réalité. Qui dit fête, dit alcool. Il rentre donc chez lui en ayant plus ou moins bu mais toujours dans un état qui, du point de vue de la loi, lui interdit de prendre le volant.
Mais il faut le comprendre ce monsieur. Ses amis n’habitent pas très loin, le trajet est court: toujours moins d’une dizaine de kilomètres! Et jamais il ne lui est arrivé quelque chose. Non jamais.
Jusqu’au jour où…. il a eu un accident. Vous me direz, il l’avait cherché, il l’avait « mérité ». A trop jouer avec le feu, on fini par se brûler les doigts.
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Prendre le temps de la réflexion
J’ai pris de mon temps. Je me suis assise, seule et j’ai souvent réfléchi à ce genre de cas. J’ai pensé à ces personnes qui se croient au dessus de tout et j’ai retourné la chose dans tous les sens possibles. La loi mise de côté, imaginent-elles à un moment donné qu’elles pourraient blesser quelqu’un en face? Un piéton? Un cycliste? Une autre voiture? Voire pire!
La réponse est non. Ce n’est pas possible que ça leur arrive à elles.
Pourquoi?
Parce qu’elles savent conduire en ayant bu, elles connaissent leurs capacités, elles sont convaincues au plus profond d’elle-même ne rien avoir en commun avec les gens qui ont des accidents dû à l’alcool (ou autre, on va pas chipoter). Je n’invente rien, ce sont des « arguments » sorties directement de leurs bouches.
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Mais cet homme dont je vous raconte l’histoire, celui qui pendant de très longues années n’en a rien eu à foutre des possibles conséquences. Il s’est voilé la face.
L’accident fût meurtrier. Il est rentré dans une voiture, en face à face et les trois personnes dans l’autre voiture sont décédées. Lui est désormais tétraplégique.
Parce que ça, on y pense pas. Qui paye les pots cassés dans ces cas là? Les héritiers.
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Ce que dit la loi
La famille des personnes décédées a légitimement demandé réparations: dans ce cas on parle du « Droit à la réparation ». Celle-ci est faite à hauteur du préjudice, qui est maximal en cas de mort.
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Par deux arrêts rendus le 30 avril 1976, pour les différents préjudices, tant matériel que physique ou moral subis par le défunt, la Cour de Cassation permet la transmission du droit à indemnisation de la victime direct non encore engagée de son vivant, transmissible à ses héritiers.
La Cour de cassation fonde sa solution sur la nature du droit à réparation, lequel « est un droit patrimonial, né dans le patrimoine de la victime à la date du dommage et transmis à l’ayant cause universel, héritier ou légataire, qui continue la personne de son auteur ». Elle s’appuie notamment sur les articles 1147 et 731 du Code civil pour décider que :
«Toute personne victime d’un dommage, qu’elle qu’en soit la nature, a droit d’en obtenir l’indemnisation de celui qui l’a causé, et que le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale de la victime éprouvée par la victime avant son décès, en raison d’une perte de chance de survie, étant né dans son patrimoine, se transmet à son décès à ses héritiers ».
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En clair, la personne dont la responsabilité est engagée devra payer toute sa vie une indemnisation, ou en une seule fois si elle est vraiment très riche. Généralement, ces dettes sont mensualisées puisque très élevées.
- Sauf que, en cas d’alcoolémie avérée, l’assurance ne fonctionne pas: tout est donc à la charge du fautif.
- Sauf que, si ce fautif meurt, cela sera prélevé sur ses biens (héritage).
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Dans le cas présent, les héritiers sont sa femme et ses enfants. Les enfants étant mineurs ils n’ont pas à être inquiétés. Par contre, en étant marié, sa femme et lui vivent sous le régime de la communauté: ils partagent les gains et les dépenses. On parle de patrimoine commun.
Leur maison a dû être vendue pour payer une partie des indemnités. La femme devra travailler le reste de sa vie afin de payer le reste et s’occuper de son mari devenu un légume pour une erreur que lui a commise. Elle ne possèdera donc rien une fois à la retraite et leurs enfants n’auront aucun héritage.
L’indemnisation fait alors parti du patrimoine.
Elle a confié à ma belle-mère:
« Je voudrais me suicider, je n’ai plus rien à attendre de la vie… c’est très dur je n’en peux plus. Mais il y a les enfants, mes enfants, il faut que je me batte. Pour eux au moins…. »
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Elle a deux enfants de 5 et 9 ans…
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Vous trouvez cela injuste? Mais la loi est ainsi faite.
Lorsque vous prenez le volant en ayant bu, ce n’est pas seulement votre vie que vous mettez en danger mais aussi celles des autres que vous croiserez sur votre route.
Vous mettez également en péril la vie de vos proches et leur avenir.
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Sachez par ailleurs, que ces dettes sont transmissibles aux héritiers (enfants). Depuis 2007, si un héritier refuse l’héritage, il n’écopera pas des dettes (mais aucun bien non plus). Par contre, avant cette date, ces dettes étaient transmissibles même en refusant l’héritage.
La question se pose de la transmission de la dette de l’auteur. Une réforme du 23 juin 2006 entrée en vigueur le 1er janvier 2007 protège un peu plus les héritiers et prévoit qu’a priori celui qui accepte une succession pourrait demander à être déchargé d’une dette de responsabilité si elle en ignorait l’existence et/ou que cela posait trop fortement sur son patrimoine propre.
Cet article me parle tout à fait…
Merci 🙂
ohhh ca me parle tellement…