Et un jour il m’a dit…

Se livrer à autrui est difficile. Je pensais qu’à l’écrit cela me simplifierait les choses mais j’avais tort. J’ai ce blog depuis de longs mois déjà et je n’ai toujours pas réussi à écrire. Il y a tellement de sujets sur lesquels j’aimerais parler, me confier à visage couvert d’anonymat mais je ne sais quoi me bloque.

Ceci est un blog de maman, j’y parle principalement de ma vie de maman, de mes enfants, de ma famille et peut être que je ne veux pas y mêler des épisodes sombres ou tristes afin de ne pas les mêler à cela, ne pas les mêler à mon bonheur.

Peut être que je n’ai pas envie de retomber dessus un jour où ça ne va déjà pas et que ça empirerait les choses de me souvenir de ces évènements négatifs de ma vie. Je suis en train de dire que j’ai besoin d’écrire mais qu’en même temps je ne le veux pas. Je suis bizarre. C’est tout moi ça.

J’espère que de me lancer me donnera le courage d’écrire tout ce que je peux avoir sur le cœur. Ce billet sera sans doute l’un des plus difficiles que j’aurais à écrire.

***

Et un jour il m’a dit,

Je vois que tu n’es pas heureuse. V. ne l’est pas non plus. Et moi je ne peux pas vivre sans elle. Mais elle, elle ne peut plus vivre avec toi.

Alors voici ce que je te propose:

Soit tu pars de la maison et on sera tous heureux.
Soit tu restes et je me suicide.

***

J’avais 16 ans.

Entendre ces mots de la bouche de son père est l’un des pires moments de ma vie. Aujourd’hui, j’ai réalisé qu’il n’avait pas été un père, il m’a abandonné.

Il a préféré choisir sa pouffe, plutôt que sa propre fille.

Cet homme, ce père a avant tout pensé avec sa queue. C’est pourquoi je ne l’appellerais plus jamais « papa ».

***

  • Voici mon histoire…

Ma mère est décédée, c’est le mot joli pour dire morte. Un jour, elle est partie chercher du pain et elle n’a plus jamais franchi le seuil de la porte de cet appartement en banlieue parisienne, dans une petite cité comme les gosses du quartier l’appelle.

C’était en mai 1999 je crois. Le 6. C’est étrange, je me rappelle le jour, le mois mais j’ai du mal avec l’année. J’ai besoin d’aller vérifier sur l’acte pour être sûre. Devrais-je avoir honte d’hésiter? D’oublier ce détail si important?

Toute notre famille a été anéantie; elle a laissé derrière elle un mari et trois enfants de 26 ans, 14 ans et 10 ans. Nous avons pleuré, hurlé et nous savions qu’elle ne reviendrait plus jamais. Pourtant, il m’a fallu des semaines pour le réaliser: qu’elle franchisse à nouveau la porte avec cette baguette de pain à la main m’aurait paru tellement normal. Et la vie aurait repris son cours.

*

Dans la « cité » nous étions une bande de potes 4/5 réguliers, jusqu’à une dizaine quand nous étions tous là. Parmi tout ce monde, j’avais une super copine: Marjorie. Sa grand-mère habitait deux étages au dessus du notre, sa mère, sa petite sœur et elle étaient donc souvent là.

A de nombreuses reprises, on s’était dit que si on habitait ensemble ça serait trop génial: on s’entendait si bien. Malheureusement pour moi, cela s’est réalisé. Mon père est tombée amoureux de sa mère et tout ce petit monde a emménagé en mai de l’année suivante dans notre petit appartement.

1 an pile poil après la mort de ma mère.
Des fois je me demande si mon père avait un cerveau?

Sachant qu’ils ont commencé à se fréquenter genre 2 mois après sa mort. J’étais à la fois contente qu’ils se rapprochent parce que j’étais encore plus souvent avec Marjorie, mais en même temps j’en voulais à mon père d’aller si vite. Un jour, il m’a demandé si ça me posait problème s’ils se fréquentaient, en ajoutant que ça lui faisait du bien de ne pas être seul, qu’elle l’aidait, qu’il l’aimait, bref qu’elle était son rayon de soleil qui lui faisait remonter la pente.

Je n’étais pas une fille indigne ou sadique: quelle fille aimerait voir son père souffrir de la solitude, et oserait lui dire après avoir entendu ça que ça va trop vite et qu’elle ne veut pas qu’ils se voient autant? Je lui ai donc menti et lui ai répondu « Bien sur que non, si c’est bien pour toi, c’est bien pour nous ».

*

Voir tout ce monde débarquer chez nous, chez moi, m’a foutu un sacré coup. Mon frère et moi avons été obligé de partager nos chambres avec chacune de ses filles. Marjorie et moi ne nous entendions plus aussi bien, et elle a choisi d’être dans celle de mon frère. J’ai donc hérité de sa petite sœur et ma chambre est devenue un magasin de Barbie. Entre autres. Par manque de place je n’avais même plus de bureau pour bosser mes cours.

Mai et juin furent deux mois horribles et j’ai béni les vacances d’été. Pour une non-croyante c’est bien un comble. Comme d’habitude, mon frère et moi sommes allés chez notre grand-frère sur la côte d’azur. J’ai pu oublier mes soucis et cette nouvelle « famille ».

Il n’a pas manqué de nous demander comment ça se passait à la maison et si nous étions heureux: je me suis lâchée et ait raconté tout ce que j’avais sur le cœur. J’ai nommé ma belle-mère de pétasse et profiteuse, une obsédée sexuelle (elle parlait souvent de cul, même à table!) avec un caractère de merde et une feignasse par dessus le marché. Une fois qu’elle et ses filles ont emménagé, elle a quitté son boulot et ne foutait plus rien de ses journées. Passer d’un salaire pour trois à un pour 6 (7 avec leur chien), on a senti la différence.

*

A l’époque, je n’avais pas conscience que mes mots auraient des répercussions, de monstrueuses conséquences. Pour moi.

Dès qu’ils nous ont accueilli à l’aéroport du retour, j’ai eu affaire à des tronches emplies d’animosité et de rancœur. J’ai su que j’allais en prendre pour mon grade. Ils m’ont craché à la figure que j’aurais dû fermer ma gueule car à cause de moi, je n’avais laissé aucune chance à mon frère d’apprécier cette « belle-mère ». J’utilise ici le terme mais il ne reflète pas ce qu’elle est ou a pu être un jour pour moi. C’est purement technique. Je l’appellerais V. (initiale de son prénom). Si vous y voyez un rapport avec V l’envahisseur, on est franchement pas loin de la réalité.

V

Je n’ai pas répondu, j’avais peur d’aggraver les choses. Comment leur dire que je n’avais fait que dire la vérité et ce que je ressentais, sans me prendre une raclée?

Suite à cela, j’ai vécu les pires mois de mon existence  j’étais devenu le bouc émissaire. Absolument tout ce que je disais, pensais m’était reproché. J’étais nulle, inutile, débile et j’en passe. Au téléphone avec mon frère, je pleurais. Alors à chaque fin de conversation, il me disait que si je le voulais, je pouvais aller vivre chez lui.

Je ne voulais pas abandonner mon petit frère avec elle, et je voulais vivre avec mon père. C’était MON père quoi merde. Mais sans doute les bornes des limites avaient été dépassées.

Un jour, peu après être rentré du travail, il est venu dans ma chambre,

Et ce là jour, il m’a dit…

26 comments

  1. la farfa a écrit:

    C’est terrible ce qu’il t’as dis. C’est terrible la façon dont ils se sont comportés vis à vis de toi. Tu as raison, il ne s’est pas du tout comporté en père, loin de là, mais en égoïste fini…
    Te faire du chantage au suicide, à toi, sa fille… C’est tout simplement honteux…
    J’espère qu’avoir pu te confier ici t’a fait du bien.
    Bisous

  2. mon ménage à 5 a écrit:

    Purée… Je sais pas quoi te dire tellement c’est horrible ces mots là ! Comment peux-tu ne pas culpabiliser ensuite… je comprends que tu n’aie plus envie de voir ton père, comment en serait-il possible autrement ? J’espère qu’avoir écrit tout ça t’as fait du bien. Souvent on ne parle pas des choses qui sont si dures pour nous, et pourtant ça aide à les voir autrement quand ça sort. L’essentiel aujourd’hui est que tu aies ta famille à toi, que vous soyez heureux ensemble et que tu sortes ce fardeau de ta tête. Tu as crée ta propre famille et c’est ça le plus important. 🙂 Plein de bises !

  3. coucoumaman a écrit:

    Aie…
    N’hésite pas à parler de tes malheurs ici si ça peut te faire du bien.
    Ça n’a pas été facile pour toi à l’époque et je ne me permettrai pas de juger qui que ce soit. Tu as réussi à avoir une jolie famille à toi malgré tout ça et c’est très important.
    C’est ce que je me dis quand je revois mon enfance difficile.
    On est devenues maman à notre tour et on ne refera pas les erreurs de nos aînés. C’est certain.
    Bises.

    Ali

    • Maman-Chat a écrit:

      Exactement, ce fut une épreuve de la vie. J’en ai pris ce qu’il y en avait à prendre: une coquille de plus en plus dure pour me protéger.
      J’ai ma famille et j’en prends soin. C’est tout ce qui compte pour moi 🙂

    • Maman-Chat a écrit:

      Méchant? Non je dirais égoïste. Je ne doute pas qu’il lui a été difficile d’oser dire cela à sa propre fille et je ne l’excuse pas, mais avoir osé le faire représente tout ce qu’il est et a toujours été. Un homme lâche qui a laissé passer sa bite avant sa fille. Il n’était pas un père. Il regrette, plusieurs fois il me l’a dit mais JAMAIS il ne s’est excusé. Même si je ne lui pardonnerais jamais, je fais mine de lorsqu’on se voit. Genre une fois par an. Je l’ai invité à mon mariage car je n’avais pas envie de créer des soucis, des rancœurs, bref faire mine de.
      Merci de ton passage ici 🙂

  4. Clumsy a écrit:

    J’ai pas de mots…Je n’ai pas eu une enfance difficile (moins riche que certains) mais rien de bien méchant. Je suis admirative de ton parcours et tes autres écrits si positifs montrent que tu as su relever la pente et c’est ça le plus important ! tu as raison de poser des mots sur ce que tu as vécue et quand ce sera finit le mieux que tu puisse faire c’est aller de l’avant !! bravo pour ce témoignage qui n’a pas du être facile à écrire ! <3 des bisous !! (oui ça fait longtemps que je ne suis pas passée par ici mais avec le boulot je ne lis pratiquement plus rien !! mais j'essaie de suivre hein !)

    • Maman-Chat a écrit:

      Je comprends parfaitement. Moi même en étant à la maison je n’ai pas le temps de tout lire, alors en bossant… ce n’est absolument pas nécessaire de t’excuser!
      J’ai su me relever et en apprendre, une épreuve de la vie, l’une des plus difficiles mais pas la pire… et pourtant j’ai eu une enfance heureuse. Enfin je crois.
      Merci pour tes mots 🙂

  5. Rominet a écrit:

    Tu m’avais déjà raconté une parti de l’histoire et ca me fait toujours d’imaginer que tu aies subit ca. Tu sais que tu as toujours des amis qui sont là quand ca va pas en plus de tes 3 chats. Surtout que 2 d’entre eux sont dispo pour te faire des câlins dès que tu veux (voir te prêter un doudou si ca va pas 😉 )

    Gros bisous

    • Maman-Chat a écrit:

      Je pense qu’il manque un ou des mots dans ta première phrase.
      J’use et j’abuse de leur câlin ne t’inquiète pas 🙂
      Si j’ai envie et besoin de parler, je sais que tu es là ne t’en fait pas. Mais le blog est aussi un exutoire. Parler de tout ceci de vive voix n’est plus nécessaire pour moi.

  6. Mam'Zelle A a écrit:

    Wahou… ce sont des mots très très durs, comment un père peut dire de telles choses à sa propre fille…
    Tu as beaucoup de courage de te confier, j’espère qu’extérioriser te feras du bien
    Concentres toi sur ta famiile, ton petit cocoon à toi
    Plein de bisous et plein de courage

    • Maman-Chat a écrit:

      Merci beaucoup.
      Je me concentre sur ce qu’il y a de plus important pour moi: mes enfants et mon mari.
      Lui ne représente plus rien pour moi si ce n’est une obligation familiale, si tu vois ce que je veux dire.

  7. Lil Mum a écrit:

    Je suis atterrée de ce que ton père a été capable de te dire.
    C’est en effet un article qui a du te coûter beaucoup… Mais peut être que de poser des mots est une bonne façon de vider ton sac, vider ta douleur…

    L’important est que tu es pu te construire ta famille, à toi, celle sur qui tu peux compter et avec qui tu peux être en confiance…

    • Maman-Chat a écrit:

      C’est exactement cela. J’ai ma propre famille que j’aime plus que tout et lui (et la sienne) fait parti de mon passé.
      Je ne souffre pas tant, je pense qu’avec le temps j’ai appris à me renforcer. Il fut un temps où rien que d’y penser je fondais en larmes. Désormais je sais me détacher, et en parler m’a fait du bien 🙂

  8. Dexterina a écrit:

    Salut, je ne sais pas tellement quoi dire :/ Mon « père » étant un géniteur (il m’a abandonné lors de mes 9 ans) du coup, mes mots ne peuvent être d’un grand secours.
    Je comprend que tu ai eu besoin d’en parler, je suis pareil, mais je dois avouer avoir du mal à le faire IRL… pas parce que ça me fait souffrir (j’ai mis un mouchoir dessus et voil)) mais surtout parce que les gens ont tendance a te prendre pour un « cassos » dès que tes parents merdes…

    En tout cas, je suis attristé de voir ce qui s’est passé pour toi ;/

    • Maman-Chat a écrit:

      C’est gentil. Depuis ce jour, mon père n’est plus mon père. Je l’ai appelé géniteur pendant un moment, je ne l’appelais plus « papa » au téléphone même si les appels étaient rares (genre 1 fois par an).
      Il m’a abandonné aussi d’une certaine façon puisqu’il l’a choisi elle, à mon détriment.
      J’ai su me relever, c’est l’essentiel je pense. Une dure leçon de vie.

  9. maman pipelette a écrit:

    comment peut on faire cela à ses enfants?? j’espère que cela ta fait du bien de pouvoir en « parler » de « vider ton sac » en tout cas je n’arrive pas à imaginer la peine que tu as du avoir lors de ses mots !!
    Je te fais de gros bisous !!

    • Maman-Chat a écrit:

      Honnêtement, ce n’était pas de la peine. Un sentiment d’abandon et de rejet total est bien pire que tout. Rejeté par son propre père. Mais j’ai su me relever, et j’ai appris beaucoup. Mes enfants sont tout pour moi, et lui… n’avait pas la fibre paternelle faut croire.

  10. Audrey a écrit:

    Wow, je suis bouleversée parce que ton père a pu te dire ! J’ai du mal à concevoir qu’on puisse dire ça à sa propre chair après avoir vécu une chose si triste en plus. Tu as du avoir beaucoup de mal à écrire cet article et j’espère qu’il t’aura permis de te libérer, un peu.
    Je t’envoie des bisous

    • Maman-Chat a écrit:

      Avec le recul j’ai compris qu’il était faible. Il a fait passer son bonheur (et sa bite) avant le mien de bonheur; pour cela il a du me mettre dehors.
      C’est triste à dire mais cette épreuve m’a rendu plus forte que jamais.

  11. Florence a écrit:

    Pffff, je ne sais même pas quoi écrire. Je suis choquée qu’un père puisse tenir de tels propos à sa propre fille. On est bien loin de mon monde des bisounours. Bravo pour ton courage et pour avoir réussi à construire une belle famille. C’est ta revanche.

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